Notion un poil sensible dans les réseaux, considérée même par certains comme un frein à la croissance, la zone d’exclusivité est censée sécuriser l’investissement du franchisé et guider la politique d’implantation de l’enseigne. Problème, une zone d’exclusivité n’est pas automatique ni illimitée. Le DIP doit en préciser le périmètre exact (Article L330-3 du Code de commerce), et le droit de la concurrence autorise seulement d’interdire les « ventes actives » dans cette zone (prospection ciblée), pas les « ventes passives » (des clients qui viendraient d’eux-mêmes). Pour autant, bien calibrée et pilotée par la donnée géomarketing, elle peut être un vrai outil d’équilibre. Voyons cela ensemble.
À quoi sert vraiment une zone d’exclusivité ?
Déjà, pour commencer, de quoi protège-t-elle exactement le franchisé et quel intérêt offre-t-elle au réseau au quotidien ?
Pour rappel, dans un contrat de franchise, l’exclusivité territoriale consiste à attribuer au franchisé un territoire réservé sur lequel il bénéficie de droits (souvent d’implantation) et donc d’une protection contre l’ouverture d’un autre point de vente sous la même enseigne. On parle en règle générale d’exclusivité de franchise (pas d’autre franchisé dans la zone), d’exclusivité d’implantation (un seul point de vente) et de variantes plus fines. Cette clause n’est pas obligatoire, mais elle est fréquemment utilisée dans les contrats, car elle réduit le risque de cannibalisation interne et aligne incitations et investissements.
Côté terrain, l’intérêt est relativement évident puisqu’elle évite tout simplement aux franchisés de se marcher sur les pieds. « Nous réduisons déjà le risque de cannibalisation grâce à de larges zones d’exclusivité. » nous a confirmé David Rohel, développeur franchise de Cavavin (échange que vous pouvez retrouver ici).
« La promesse faite au candidat ne doit pas se résumer au concept, elle doit absolument inclure des conditions économiques lisibles sur son territoire d’action. »
Le cadre juridique : informer, encadrer, ne pas verrouiller
Mais si la protection d’un territoire rassure et limite la cannibalisation, encore faut-il savoir jusqu’où elle peut aller. Le droit encadre précisément ce qu’on peut réserver et ce qu’on doit laisser ouvert.
Le DIP (remis au moins 20 jours avant la signature) doit présenter l’état du marché et le « champ des exclusivités » prévues au contrat. Autrement dit, le franchisé doit comprendre où il est protégé… et jusqu’où.
Selon le règlement (UE) 2022/720 et ses lignes directrices, l’exclusivité territoriale bénéficie d’une zone de sécurité sous conditions (notamment de seuils de parts de marché). Comme abordé en introduction, elle peut restreindre les ventes actives dans la zone réservée, mais ne peut pas interdire les ventes passives (demandes spontanées) adressées depuis l’extérieur. Les réseaux doivent donc écrire des clauses précises et proportionnées.
Les dernières décisions de justice sur le sujet confirment d’ailleurs ce point. A vous donc de définir clairement la zone, ses effets ET ses exceptions.
« Attention à ne pas fixer de clauses trop larges ou imprécises, protéger n’autorise pas à fermer le marché, le droit fixe évidemment des garde-fous ! »
4 conseils clés pour calibrer une zone d’exclusivité sans brider le maillage
Le cadre posé, reste la question du dimensionnement, à savoir comment transformer des principes juridiques en une géographie opérationnelle, mesurée sur les flux, les isochrones et l’économie du concept ?
1. Partez du réel de la zone de chalandise
Commencer par définir la zone de chalandise sur la fréquentation effective (temps de parcours, barrières urbaines, pôles générateurs), pas sur un simple rayon. Les isochrones piéton/voiture et les données de mobilité vous éclaireront la captation, tout comme la densité d’offre existante.
2. Ajustez à l’économie du concept
Selon le panier moyen, la fréquence d’achat et la surface, la portée économique varie. Une enseigne de restauration rapide de quartier n’a pas la même portée territoriale qu’une enseigne d’équipement maison en retail park. Ici, les comparables réseau aident à ne pas « sur-protéger ».
3. Anticipez le maillage (exclusivité évolutive)
Prévoyez des mécanismes de révision (ou de « co-existence ») lorsque la demande croît, qu’un centre ouvre ou que l’urbanisme évolue. L’important est d’annoncer comment on réévalue la zone, et à quels seuils.
4. Distinguez protections « hard » et « soft »
Il est tout à fait possible de combiner une exclusivité d’implantation stricte sur un cœur de zone et des protections plus souples (information, concertation) sur une couronne. Cette gradation limite en grande partie les conflits tout en gardant des options de maillage fin. Pour Cavavin, par exemple, le maillage réseau et les zones d’exclusivité diffèrent légèrement entre petites et grandes agglos. « Nous réduisons […] le risque de cannibalisation grâce à de larges zones d’exclusivité. Elle n’apparaît donc qu’exceptionnellement, dans les très grandes agglomérations. »
Piloter dans la durée : transparence et doctrine réseau
Alors bien sûr, une zone bien définie à l’instant T n’est jamais figée.
Pour absorber les évolutions de la demande et des projets urbains, il faut absolument établir des règles de révision lisibles et une traçabilité des choix.
Documentez les critères utilisés pour fixer (puis ajuster) les zones : flux, isochrones, parts de marché estimées, projets urbains, etc. La grille réseau évite notamment des traitements au cas par cas difficilement défendables.
Pensez également à mettre en place une procédure claire en cas de conflit. Si deux projets venaient à se frôler, un processus d’arbitrage (mesures de flux + simulations + calendrier) limitera la friction.
Aussi, optez pour une communication « ouverte mais loyale » sur le sujet, en rappelant que l’exclusivité protège, mais n’isole pas. Et insistez sur la performance attendue (et non « présumée ») de la zone avec des metrics rassurants comme le CA prévisionnel.
« Anticipez au maximum et soyez le plus transparent possible dès le départ. Une zone d’exclusivité pertinente au jour J doit pouvoir être discutée au jour N, avec des règles connues d’avance. »
Le rôle du géomarketing : simuler, cartographier, décider
En revanche, ce genre de gouvernance nécessite forcément des preuves partageables. Cartographies, simulation de CA ou visualisation du portefeuille réseau sont autant d’éléments qui, selon moi, vous aideront énormément à objectiver les arbitrages et à désamorcer les conflits de périmètre.
Un outil de simulation de CA permet de visualiser efficacement la cannibalisation potentielle et les zones blanches, et aide à fixer une exclusivité proportionnée. David Rohel souligne d’ailleurs l’apport de Mygeomarket sur ce point : « Le module Simulation / Potentiel de chiffre d’affaires, très pratique pour tester un emplacement […]. La partie zones d’exclusivité, essentielle à nos contrats de franchise. »
La cartographie permet également de « voir le réseau comme un portefeuille », et de mettre à plat magasins existants, candidats et zones réservées. Elle aide à optimiser les scénarios de maillage (ouvrir ici sans déstabiliser là). Une complémentarité d’outils bien résumée par Agathe Faccio, chargée du développement immobilier chez Eat Salad : « La simulation fournit une première estimation […] La cartographie offre une vision d’ensemble… » avec, en prime, un modèle de reproductibilité pour repérer les zones à dupliquer.
Côté conformité, il est également indispensable de rappeler dans les livrables le périmètre protégé, le statut des ventes actives/passives et les règles d’ingérences réseau. Et côté pédagogie, partager cartes et hypothèses avec le franchisé renforcera également la prévisibilité des décisions.
« Une zone d’exclusivité crédible est définie, proportionnée ET révisable. Elle protège l’investissement sans verrouiller le marché. C’est cette bonne combinaison qui sécurisera votre réseau et rassurera vos candidats. »
FAQ – Zones d’exclusivité en franchise
Une zone d’exclusivité est-elle obligatoire en franchise ?
Non, mais si elle existe, son champ doit être précisé dans le DIP remis au candidat (au moins 20 jours avant signature pour rappel).
Qu’a-t-on le droit d’interdire ou pas concernant les zones d’exclusivité ?
Le droit autorise à restreindre la prospection ciblée dans la zone réservée (ventes actives). En revanche, il n’autorise pas à interdire les ventes à des clients qui viendraient d’eux-mêmes en provenance d’autres territoires (ventes passives).
Quels types d’exclusivité existe-t-il dans les contrats de franchise ?
Usuellement : exclusivité de franchise (pas d’autre franchisé), exclusivité d’implantation (un seul point de vente), variantes mixtes selon le réseau.
Comment définir une zone d’exclusivité sans freiner le maillage de mon réseau ?
Nous vous conseillons de caler la zone sur les isochrones/flux et densité d’offre, de prévoir des mécanismes de révision et d’articuler cœur de zone « hard » et couronne « soft ».
Pourquoi un logiciel géomarketing est-il utile concernant les zones d’exclusivité d’une franchise ?
Un outil de géomarketing comme Mygeomarket permet (entre autres) de réaliser des simulations de CA, avec cartographie réseau et gestion des zones d’exclusivité pour arbitrer cannibalisation interne et déploiement, avec des livrables partageables au contrat.
Article mis à jour le 03/12/2025



